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DPE : quand la passoire thermique est surnotée
Rédigé par Maeva FLORICOURT le 06 février 2025
Les « passoires thermiques » n’ont jamais autant fait parler d’elles. Avec l’interdiction progressive de la mise en location des logements classés F et G, de plus en plus de particuliers s’interrogent sur la fiabilité du diagnostic de performance énergétique (DPE) lorsqu’ils achètent ou vendent un bien immobilier. En cause : des suspicions de DPE erronés, voire de « faux » établis afin de décrocher une note plus favorable qu’en réalité. Et pour les acquéreurs floués, les conséquences sont lourdes : rénovation coûteuse, perte de valeur du bien et éventuelles procédures pour faire valoir leurs droits.
Une hausse fulgurante des litiges aux DPE
Ces dernières années, les affaires liées aux faux DPE se sont multipliées. Le nombre de recours engagés par des acheteurs estimant avoir été trompés sur la performance énergétique grimpe en flèche. Le phénomène s’explique, d’une part, par la place majeure que tient désormais la note DPE depuis que les logements notés G ne peuvent plus faire l’objet d’un nouveau bail et, d’autre part, par la rapide évolution de la législation imposant une rénovation énergétique.
En parallèle, une décision de justice prononcée l’été dernier est venue marquer les esprits : un couple de vendeurs, un diagnostiqueur et une agence immobilière ont été lourdement condamnés après avoir transformé un DPE classé G en D, causant un préjudice évalué à plus de 60 000 € pour l’acquéreur. Ce jugement a ouvert la voie à d’autres contentieux similaires.
Le DPE devenu opposable
L’autre fait marquant qui encourage cette montée des litiges est la réforme de 2021 rendant le DPE opposable. Concrètement, cette opposabilité signifie que le vendeur (ou le bailleur) et le diagnostiqueur engagent désormais leur responsabilité sur la validité des informations fournies dans le document. L’acheteur est alors en droit de réclamer une indemnisation s’il parvient à prouver que la note du bien ne correspond pas à la réalité. Dans certains cas, si le juge estime que l’erreur est substantielle et volontaire, la sanction peut aller jusqu’à l’annulation pure et simple de la vente.
Les conséquences pour les vendeurs
Le vendeur qui se retrouve accusé d’avoir enjolivé le DPE risque de devoir indemniser l’acheteur à hauteur de la perte de la valeur du bien ou du surcoût des travaux. Sur le plan civil, la responsabilité peut être lourde de conséquences, surtout si la justice considère qu’il y a eu dissimulation volontaire. Il faut également rappeler que le diagnostiqueur peut se retourner contre le propriétaire s’il parvient à prouver que des documents ou informations erronées lui ont été volontairement fournis.
À noter qu’une procédure pour un DPE erroné peut prendre de un à quatre ans, selon la complexité de l’affaire. Durant ce laps de temps, l’acquéreur doit souvent avancer des frais d’expertise, d’avocat, sans compter les éventuels travaux de rénovation devenus nécessaires pour rendre le logement habitable ou conforme aux exigences réglementaires.
À SAVOIR
Si vous êtes déjà locataire d’un logement classé G, la réglementation est pour l’heure encore floue. L’interdiction de louer concernerait, en effet, uniquement les locations nouvellement conclues, reconduites ou renouvelées, selon le ministère de la Transition énergétique. Néanmoins, la Cour de cassation ne se base pas sur les déclarations ministérielles. Ainsi, en théorie, un locataire dont le bail était en cours au 1ᵉʳ janvier pourrait solliciter une baisse de loyer ou exiger des travaux pour mettre le logement en conformité.
Les étapes pour agir en justice
Lorsqu’un acquéreur soupçonne un faux DPE, la première étape consiste à obtenir un nouveau diagnostic complet, effectué par un autre professionnel agréé. En cas de divergences importantes, plusieurs options s’offrent à lui :
- La négociation amiable : l’acheteur, le vendeur, le diagnostiqueur (et parfois l’agence immobilière) se réunissent pour discuter d’une issue hors tribunal. Cela peut donner lieu à une indemnisation amiable ou à la prise en charge d’une partie des travaux de rénovation.
- L’action en référé : si le désaccord persiste, un juge peut nommer un expert chargé d’évaluer précisément la performance énergétique du bien.
- La procédure au fond : une fois l’expertise réalisée, si aucun accord n’est trouvé, le tribunal évaluera le préjudice subi. L’acheteur pourra réclamer une compensation financière ou, dans les cas extrêmes, demander la résolution de la vente.
À savoir
La procédure au fond est une action menée devant les juridictions civiles ou administratives afin d’obtenir un jugement sur le cœur même du litige, c’est-à-dire sur le fond de l’affaire, contrairement à une procédure en référé ou à une procédure d’urgence (qui permet de demander des mesures provisoires).
Face à ce climat d’incertitudes, la prudence s’impose. Pour toute transaction immobilière, il est donc fortement recommandé de vérifier les qualifications du diagnostiqueur, de se procurer un diagnostic récent et détaillé et enfin de demander un deuxième avis pour les biens anciens ou manifestement mal isolés.
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