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Le coliving dans le viseur de la mairie de Paris
Rédigé par Maeva FLORICOURT le 14 octobre 2025
Paris passe à l’offensive. Après avoir encadré Airbnb et resserré l’étau autour des locations meublées, la capitale s’attaque à une nouvelle bête noire : le coliving. Ce modèle d’habitat partagé est accusé de contourner l’encadrement des loyers et donc de nourrir la flambée des loyers. Pour la première fois en France, une ville choisit d’enrayer son expansion.
En résumé
- Paris devient la première ville de France à adopter une politique « zéro coliving ».
- 7 500 lits et 6 800 projets de coliving sont déjà recensés dans la capitale.
- La mesure reste pour l’heure non contraignante, mais marque une volonté politique forte de freiner un phénomène jugé spéculatif.
Le coliving : nouveau facteur de tension du logement parisien ?
C’est acté : Paris dit stop aux projets de coliving jugés contraires à sa politique du logement. À l’origine de la mesure, Ian Brossat, sénateur et président du groupe communiste, qui dénonce un modèle d’habitat devenu, selon lui, « le cheval de Troie des spéculateurs ».
Pour rappel, le coliving est né dans les grandes métropoles mondiales. À l’origine, il s’agit d’une solution communautaire et flexible pour jeunes actifs ou étudiants. En pratique, il s’agit de louer une chambre privée dans une résidence avec espaces partagés : salon, cuisine, salle de sport, parfois services inclus (ménage, conciergerie). Mais selon la mairie, ce modèle aurait dérivé vers un outil de contournement de l’encadrement des loyers.
Il suffit de mettre trois rameurs de sport dans une salle commune pour appliquer un complément de loyer qui échappe à la régulation.
De Airbnb au coliving : la flambée des loyers parisiens se poursuit
Les chiffres donnent le vertige. À Paris, une chambre de 20 m² peut se louer jusqu’à 1 800 € par mois, selon l’Institut Paris Région (IPR). Actuellement, la région Île-de-France compte 7 500 lits de coliving et 6 800 projets supplémentaires seraient en cours dans la capitale. Un développement jugé « hors de contrôle » par les élus parisiens.
Cette dynamique s’expliquerait aussi par un effet de report post-Airbnb. Depuis que la mairie a renforcé sa lutte contre les locations touristiques de courte durée, « certains investisseurs se sont rabattus sur le coliving, qui permet une rentabilité très forte », précise Ian Brossat
Une mesure plus politique que contraignante
Pour l’instant, la politique du « zéro coliving » reste déclarative : aucun texte ne rend juridiquement impossible ce type de projet. La mesure votée par l’Assemblée parisienne prévoit surtout que la Ville informera systématiquement les promoteurs de son refus de nouveaux programmes. L’idée est avant tout d’envoyer un signal politique fort aux acteurs du marché.
Les promoteurs n’ont pas envie de se mettre la Ville à dos au vu du peu de foncier disponible.
Une équipe municipale dédiée sera également chargée d’évaluer et de contrôler les colivings existants. La mairie promet ainsi un suivi « au cas par cas », dans l’attente d’un futur encadrement légal. À droite, la mesure fait grincer des dents. Le conseiller LR, Aurélien Véron, dénonce une politique « idéologique » qui, selon lui, freine des solutions pourtant utiles.
Le coliving reste marginal et c’est une réponse concrète à une demande réelle. Vous voulez interdire ce qui marche.
Alors, interdire ou encadrer ? Pour de nombreux acteurs de l’immobilier, le coliving répond à une tension structurelle sur le logement étudiant et jeune actif, particulièrement aiguë à Paris où le loyer moyen dépasse 30 €/m². La mairie ne ferme pas totalement la porte à de nouvelles formes d’habitat collaboratif, mais veut « rétablir des règles du jeu équitables ». Selon Barbara Gomes, il ne s’agit pas d’interdire toute innovation résidentielle, mais de protéger les locataires d’un système qui profite à certains opérateurs au détriment de la régulation publique.
Cette initiative parisienne pourrait bien inspirer d’autres grandes villes françaises confrontées à la même tension : comment favoriser la mixité résidentielle sans encourager la spéculation ?
Le coliving, symptôme d’un mal plus profond
Derrière le bras de fer entre la mairie et les opérateurs privés, c’est toute la fragilité du marché locatif parisien qui se révèle. Si le coliving s’est imposé ces dernières années, c’est d’abord parce qu’il a comblé un vide laissé par la pénurie de logements abordables. Selon l’INSEE, Paris a perdu plus de 11 000 habitants entre 2020 et 2024, un recul inédit depuis trente ans. En cause : le coût du logement, devenu insoutenable pour les classes moyennes et les jeunes actifs. Le loyer médian dans la capitale atteint désormais 28,6 €/m², d’après l’OLAP (Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne, 2024), soit près de 1 150 € pour un studio de 40 m².
En d’autres termes, le coliving n’est qu’un des symptômes de la crise du logement. En bannissant ce modèle, la mairie cherche à contenir la spéculation. Mais sans politique volontariste de production de logements intermédiaires et sociaux, la demande se déplacera vers d’autres segments du marché, voire vers la petite couronne.
Nos sources
INSEE, Estimations de population – Ensemble – Ville de Paris
Observatoire des Loyers de l’Agglomération Parisienne, Évolution en 2023 des loyers d’habitation du secteur locatif privé dans l’agglomération parisienne
Institut Paris Région, L’essor du coliving pour les jeunes franciliens : idéal communautaire ou symptôme de la crise du Logement ?

